Peut-on déshériter son enfant ?
En droit français, il n’est pas possible de déshériter totalement un enfant.
Le principe de la réserve héréditaire est tel que l’enfant touche obligatoirement une part dans la succession de ses parents. Il n’est pas possible de diminuer cette part.
Néanmoins, une fois cette part accordée aux enfants, il reste ce qu’on appelle la quotité disponible. Il s’agit de la part de patrimoine dont toute personne peut disposer librement grâce à une donation ou un testament.
La réserve dépend du nombre d’enfants :
• 1 enfant : 50 % du patrimoine.
• 2 enfants : 2/3 du patrimoine (soit 1/3 pour chacun).
• 3 enfants ou plus : 3/4 du patrimoine (répartis entre eux).
Le reste du patrimoine (la quotité disponible) peut être légué librement, à un tiers ou à une autre personne.
Si vous êtes résident en France, votre succession sera soumise à la législation française et vos enfants ne pourront être déshérités. Vous pourrez néanmoins réduire leur part d’héritage grâce à la quotité disponible. Si toutefois vous rédigez un testament dans lequel vous indiquer priver un enfant d’héritage, sachez que celui-ci pourra faire valoir son droit à la réserve héréditaire afin d’obtenir la part à laquelle il a droit.
Il n’en demeure pas moins que le comportement des enfants peut dans certains cas justifier qu’ils soient écartés de la succession. Il s’agit de l’indignité.
Sur le comportement indigne
Le comportement indigne est une exception au principe de la réserve héréditaire et répond donc à des exigences particulières.
Le Code civil encadre strictement les conditions dans lesquelles un héritier serait automatiquement considéré comme indigne à la suite d’une condamnation.
L’article 726 du Code civil précise que tel est le cas s’il a été « condamné comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt » ou « pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner ».
Le Code civil prévoit aussi des cas où un enfant peut être reconnu indigne.
Il n’y a pas d’automatisme ici de la déclaration d’indignité, qui devra être soulevée.
C’est le cas selon l’article 727 du Code civil si l’héritier :
– est condamné à une peine correctionnelle en tant qu’auteur ou complice pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt,
– est condamné à une peine correctionnelle en tant qu’auteur ou complice pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.
– est condamné à une peine criminelle ou correctionnelle pour avoir, en tant qu’auteur ou complice, commis des tortures et actes de barbarie, des violences volontaires, un viol ou une agression sexuelle envers le défunt (nouveauté de la loi du 30 juillet 2020).
– a témoigné de façon mensongère contre le défunt dans une procédure criminelle.
– s’est volontairement abstenu d’empêcher soit un crime soit un délit contre l’intégrité corporelle du défunt d’où il est résulté la mort, alors qu’il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers.
– a fait des dénonciations calomnieuses contre le défunt lorsque, pour les faits dénoncés, une peine criminelle était encourue.
Dans les cas où l’indignité n’est pas automatique, elle doit être prononcée par le juge via une déclaration d’indignité. Dans ce cas, c’est aux héritiers d’en faire la demande dans les six mois du décès du défunt ou si le jugement de culpabilité d’un des héritiers est rendu après le décès du défunt, dans les six mois après le rendu du jugement (art.727-1 du Code Civil).
Sur les répercussions sur l’enfant reconnu indigne
Les répercussions pour l’enfant reconnu comme étant indigne sont graves puisqu’il est exclu de la succession. S’il avait bénéficié d’avantages (fruits et/ou revenus), il doit obligatoirement les rendre à la suite de l’ouverture de la succession. Il n’est plus considéré comme un héritier, et encore moins comme un héritier réservataire.
Néanmoins, le défunt a pu laisser un testament où il indique expressément vouloir le maintenir dans ses droits et l’inclure malgré ses agissements dans le partage de la succession. Dans ce cas, l’enfant concerné ne sera pas frappé d’indignité et sera normalement appelé à la succession dans laquelle il conservera sa qualité d’héritier.
Depuis 2001, les descendants de l’indigne peuvent hériter à sa place. Il n’est donc pas possible de déshériter ses petits-enfants en raison du comportement de leur parent. Les petits enfants viennent en représentation de leur parent indigne. Si les descendants sont mineurs, par principe ce sont les parents qui ont un droit de jouissance sur les biens qu’ils ont obtenus. Or si les parents sont indignes, il leur est interdit de revendiquer l’usufruit de ces biens. À défaut de descendants, ce sont alors les autres héritiers qui se partagent la part de l’indigne.
En revanche, un héritier reconnu indigne n’a cette qualité que vis-à-vis de celui envers lequel il a eu un comportement indigne. Ainsi il peut tout à fait hériter d’autres membres de sa famille s’il n’a pas été indigne envers eux.
(Articles 726, 727 et 727-1, 728, 729 et 729-1 du Code civil)
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